L’AFRIQUE, UN VERITABLE ELDORADO DE CONSOMMATION ?

Par Loïc TRIBOT LA SPEIRE, Délégué général du CEPS
 
A la lecture d’un certain nombre de récents rapports émanant de différents cabinets conseil, l’Afrique serait et deviendrait un véritable Eldorado de consommation et les chiffres avancés sont, parait-il, éloquents :
  • La classe moyenne représenterait aujourd’hui 355 millions de personnes. Elle devrait dépasser, en 2060, le milliard !
  • La jeunesse (pour la tranche des 15-25 ans) devrait passer de 255 millions de personnes à 320 millions en 2030.
  • L’urbanisation devrait s’intensifier et le continent africain devrait avoir plus de 50 villes dépassant le million d’habitants.
  • L’ensemble de ces données amène ces professionnels de l’analyse à tabler sur une explosion de la consommation. Bref, l’Afrique deviendrait d’ici peu le plus grand marché de la grande consommation. Si on peut souhaiter ceci à ce grand continent, on doit raisonnablement s’interroger sur ces analyses. Il parait, en effet, nécessaire d’y apporter un certain nombre de points correctifs.
Peut-on raisonnablement considérer que l’on puisse évaluer la classe moyenne sur la base d’un revenu allant de 1 à 20 euros par jour ? Celui qui touche 20 euros par jour, est-il un grand consommateur ? A-t-on par ailleurs évalué, dans cette fourchette, le pourcentage de ceux qui touchent entre 1 et 5 euros par jour ?
 
La classe moyenne évolue certes mais il est encore difficile d’évaluer sa capacité de consommation actuelle et de planifier de manière précise quelle sera son évolution dans les années qui viennent. Rappelons qu’un certain nombre de grands groupes constatant certes ces potentialités très en devenir ont décidé de réduire leur prétention. Citons notamment le cas du groupe Nestlé qui a décidé de réduire ses effectifs de 15 % en Afrique centrale et orientale.
 
On ne cesse de nous dire que l’urbanisation effrénée devrait automatiquement créer des consommateurs, c’est confus et dangereux. Lorsqu’on regarde aujourd’hui le développement des grandes mégapoles en Afrique, on ne peut pas dire que la consommation ait explosée et que le pouvoir d’achat des populations urbaines se soit significativement développé. Pourquoi consommerait-on plus en zone urbaine ? Habiter une mégapole ne veut pas dire automatiquement disposer d’une capacité financière forte et encore moins d’un réel pouvoir d’achat.
 
Il convient de nuancer cette donnée. On ne cesse, par ailleurs, de souligner le développement vertigineux du téléphone mobile qui serait amené à développer la consommation. Là-aussi, gardons raison. C’est une usualité indispensable. Mais, ce n’est pas parce que l’on a un téléphone mobile que l’on consomme plus. Par ailleurs, on ne soulignera jamais assez que consommation veut dire des offres adaptées, ce qui pose la question de la maîtrise de la distribution, et là, il faut reconnaitre que des efforts devront être faits tant dans le domaine logistique qu’au niveau des infrastructures, et des transports.
 
Par ailleurs, est posée la question du développement et de la pérennité des acteurs économiques classiques face à une concurrence déloyale d’acteurs informels. L’Afrique est riche d’espérance. Elle en a les opportunités, les atouts, mais évitons de faire des signaux faibles des tendances fortes, de dire n’importe quoi. On peut parfois desservir une cause par excès d’optimisme.

 

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